Je souffre d’insomnie. Surtout aux petites heures du matin. Quand cela m’arrive, j’allume ma radio, que j’écoute paresseusement. Ce jour-là, c’était Pourquoi pas dimanche? Souvent, après une heure d’écoute, je m’assoupis à nouveau. Allez savoir pourquoi. Peut-être parce que l’écoute des conversations – animées pour cette heure matinale – demande une concentration que je n’ai pas et que je fuis inconsciemment. C’était un dimanche du mois de novembre dernier. Jacques Bertrand était à la barre de l’émission. Quand j’ai allumé ma radio, il annonçait qu’il allait s’entretenir avec un lecteur public, un Français qui projetait de marcher pendant un an, de Saint-Malo à Bamako, accompagné d’un âne. Le lecteur se nomme Marc Roger. Au fil des milliers de kilomètres qu’il allait parcourir, ce poète des temps modernes allait lire des extraits choisis dans les écoles, les villages et les places publiques.
Je me suis réveillée deux heures plus tard en me demandant : « Ai-je rêvé, ou y a-t-il un homme, lecteur public de surcroît, qui va entreprendre un voyage à pied de Saint-Malo à Bamako avec, comme seul compagnon de voyage, Babel, un âne? » Le temps de me faire un café, j’étais déjà devant mon ordinateur. Dans un moteur de recherche, j’ai tapé frénétiquement Saint-Malo, Bamako et… âne. Un site Web est apparu : www.saintmalobamako.net. Sur la page de présentation, intitulée La Méridienne du griot blanc, on pouvait lire :
{ 5000 km – 5 pays – 160 lectures}
Dimanche 31 mai 2009, je pars à pied, sur les chemins d’une Méridienne imaginaire qui va de Saint-Malo à Bamako, pour aller lire à voix haute, tout au long des 5000 kilomètres qui séparent les deux villes, romans, poèmes et nouvelles, d’auteurs de littérature française et étrangère.
Il existait donc bel et bien, ce lecteur public. Drôle de hasard, puisque je partais trois jours plus tard pour Paris, où j’allais présenter mon film De l’autre côté du pays dans le cadre de La semaine du cinéma québécois à Paris. Spontanément, j’ai écrit un courriel à Marc Roger pour lui manifester mon intérêt pour son projet et tâter le terrain pour une éventuelle rencontre. Il m’a répondu rapidement : il habitait Paris et souhaitait assister à la projection de mon film. Ce qu’il fit, accompagné de sa femme, Corinne.
C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de Marc Roger, tout simplement, après un matin d’insomnie, un courriel envoyé comme une bouteille à la mer, et une traversée de l’Atlantique.
Presque un an plus tard, je m’apprête à nouveau à traverser l’Atlantique pour huit mois cette fois.
Vous me suivrez, dites?